Cette fois, c'est la fronde. Avec en chef de file, Jean-Pierre Raffarin. Dans une tribune publiée ce
1er novembre dans le Journal du
dimanche, l'ancien premier ministre et vingt-quatre autres sénateurs UMP annoncent qu'ils ne« voteront
pas en l'état » le projet de suppression de la taxe professionnelle, réforme voulue par Nicolas Sarkozy. Car avec cette réforme « nous
perdons notre autonomie financière », explique dans le JDD, Philippe
Dallier, élu de Seine-Saint-Denis. Cette opposition des sénateurs n'est pas qu'un barroud d'honneur. Elle écarte de fait toute majorité au Sénat et bloque l'adoption du budget 2010.
Face à un président qui avait mis en garde tous les mutins potentiels–
«Ma capacité à reculer sur la taxe professionnelle, c'est zéro de chez zéro» – , Jean-Pierre Raffarin avait pourtant tiré toutes les sonnettes d'alarmes.
Ainsi le 14 octobre sur RTL, quand l'ancien premier
ministre, Jean-Pierre Raffarin, apprend les modalités de la suppression de la taxe professionnelle et le projet de loi sur la réforme des collectivités locales, son sang ne fait
qu'un tour: «Je
ne peux accepter un recul de la décentralisation.» Et il prévient: «Nous
modifierons le texte. Et je suis optimiste sur un changement radical.» «Radical»? Dans la bouche du défenseur inconditionnel des territoires, le père de ce qu'il est convenu
d'appeler «la phase 2 de la décentralisation» – les lois de 2003 et 2004 –, lui le spécialiste du transfert de compétences de l'Etat vers des institutions publiques, le propos est
fort. Quelques jours plus tard, il récidive sur son blog: «Je
ne soutiendrai pas les initiatives de recentralisation qui pourraient s'infiltrer dans les projets à venir.»
Car c'est bien de recentralisation qu'il s'agit. De la réforme des collectivités locales au Grand Paris, un point aveugle anime la conduite des affaires de l'Etat depuis 2005.
Nicolas Sarkozy est en réalité un jacobin de première, un centraliste à l'ancienne qui n'a de cesse de gommer insidieusement les lois de décentralisation, pour faire de Paris
l'unique cœur de la France, l'endroit singulier duquel tout part et revient.
D'ici à 2014, le gouvernement veut fondre le statut des élus des conseils généraux et régionaux en un seul, le conseiller territorial, veut diminuer le nombre global des élus de
6.000 à 3.000, en en modifiant au passage le mode de scrutin. Il veut surtout – et dès 2010 – réduire le train de vie des collectivités locales accusées d'embaucher à tout va, en
leur coupant la manne de la taxe professionnelle qui, promet-on, sera compensée par des dotations budgétaires et la création d'une Contribution économique territoriale (CET). Les
entreprises implantées sur le terrain cesseraient de participer au financement des communes, des départements, des régions, l'Etat se substituerait à elles et de façon identique
partout. Du moins en 2010, le temps de voir concrètement les conséquences de cette petite révolution qui entraînera un manque à gagner de 13,5 milliards pour les collectivités.
Finis les barèmes différents selon les localités, les majorités, les politiques. Tout le monde sous la même toise, avec les mêmes critères d'attribution.
Ce faisant, le projet du gouvernement casserait l'autonomie fiscale des collectivités et les mettrait sous la perfusion de l'argent du contribuable au plan national.
Un autre ancien premier ministre de Jacques Chirac, Alain Juppé, n'y est pas allé non plus avec des pincettes. «Le
président Sarkozy avait promis une compensation euro par euro, mais il avait oublié de dire pendant un an», confiait-t-il à Sud-Ouest le
7 octobre, avant de pronostiquer que, dès la deuxième année d'entrée en vigueur de la réforme, la communauté urbaine de Bordeaux perdrait plusieurs millions. «C'est
tout de même se foutre du monde.»