Moody's s'invite dans la campagne présidentielle
source et suite de l'article www.mediapart.fr
par MARTINE ORANGE
La France est à son tour prise dans la spirale infernale des agences de notation. L'agence de notation Moody's a annoncé lundi soir qu'elle engageait un processus de réévaluation de la signature française. Le fameux AAA de la France, « notre trésor national », selon Alain Minc, est mis en question.
« Au cours des trois prochains mois, Moody's va surveiller et évaluer cette perspective stable (de la notation du pays) au regard des progrès effectués par le gouvernement pour mettre en œuvre les mesures annoncées de réduction du déficit budgétaire », souligne l'agence de notation dans un communiqué. Celle-ci relève que la solidité financière du gouvernement français, certes encore très élevée, « s'est affaiblie, comme c'est aussi le cas pour d'autres pays de la zone euro, car la crise économique et financière dans le monde a conduit à une détérioration de ses ratios d'endettement, qui sont désormais parmi les plus faibles des pays notés AAA ».

La mise en question de la signature de la France n'est pas totalement une surprise. Depuis la dégradation de la note des Etats-Unis par Standard & Poor's, la France est dans la ligne de mire. Les marchés ont déjà commencé à sanctionner sa gestion. Le spread des taux français avec les taux allemands, qui servent de référence sur le marché européen, n'a cessé de s'élargir pour atteindre plus 0, 93%. Sur le marché des CDS (credit default swaps), outil de spéculation pure, les primes ne cessent d'augmenter.
Cette perte de confiance rampante est non seulement liée à la crise de la zone euro, elle est aussi le fruit de la gestion passée. Tout en déclarant hériter « d'un pays en faillite », le gouvernement Fillon a laissé filer les déficits. La rigueur affichée n'a été qu'une posture. Mesure symbolique entre toutes : le non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux, qui est en train de conduire à une totale désorganisation de l'Etat, ne s'est traduit que par une économie de 700 millions d'euros.
De 900 milliards d'euros en 2007, l'endettement public est passé à 1 600 milliards d'euros. Un tiers seulement de cette augmentation est lié à la crise, a rappelé la Cour des comptes. Avec un endettement dépassant désormais 85% du PIB, la France est le pays bénéficiant d'une notation AAA, qui affiche les comptes publics les plus dégradés. Le paiement des intérêts de la dette représente désormais le troisième poste budgétaire de l'Etat, avec 47 milliards d'euros de dépenses.
La crise de la zone euro risque d'amplifier encore la dégradation des comptes de la nation. Depuis le début de l'année, la dette s'est alourdie de 15 milliards supplémentaires pour le seul sauvetage de la Grèce. Il faut y ajouter la participation à venir au fonds de stabilité européen, (quelque 19 milliards d'euros en plus), celui de Dexia, non encore évalué. Si l'Etat doit en plus se porter au secours des principales banques - BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole- , le fardeau risque d'être totalement insupportable.