Le document qui enterre l'affaire des sondages de l'Elysée
source et suite de l'article :
www.mediapart.fr 03 Novembre 2010 Par
La Cour des comptes peut se rhabiller: la justice vient d'enterrer «l'affaire des sondages de l'Elysée». L'institution financière était pourtant tombée de sa chaise, à l'été 2009, en découvrant le caractère «exorbitant» du contrat passé entre la présidence de la République et Patrick Buisson (ancien journaliste d'extrême droite, conseiller ès sondages de Nicolas Sarkozy): ficelée à la va-vite au lendemain de la présidentielle, cette«convention» d'une petite page avait été signée par l'Elysée sans le moindre appel d'offres – «en dépit du dépassement du seuil au-delà duquel la passation d'un marché est obligatoire», avait repéré la Cour des comptes. Le 25 octobre, le parquet de Paris a cependant classé sans suite la plainte pour «délit de favoritisme», que l'association Anticor (qui lutte contre la corruption) avait déposée contre X.
En fait, le parquet a refusé d'examiner le fond du dossier, s'appuyant sur l'irresponsabilité pénale du chef de l'Etat, étendue pour l'occasion à tous les collaborateurs de l'Elysée (dont l'ancienne directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, Emmanuelle Mignon, signataire du contrat). Il a même étiré ce parapluie jusqu'au «cocontractant» de la présidence, c'est-à-dire Patrick Buisson et ses sociétés (Publifact et Publiopinion)!
Dans son avis de classement définitif (que Mediapart publie ci-dessous dans son intégralité), le vice-procureur Jean-Michel Aldebert, chef de la section financière du parquet, commence certes par citer les conclusions de la Cour des comptes: «(Elle) paraît reprocher à la Présidence de la République (...) d'avoir octroyé un avantage injustifié à Publifact», écrit-il. Sans jamais rappeler, d'ailleurs, que Christian Frémont, l'actuel directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, a lui-même reconnu «une anomalie dans le contrat» lors d'une audition à l'Assemblée nationale, et qu'il a lancé en octobre 2009 un appel d'offres en bonne et due forme pour régulariser la situation du «Château»...
Pour télécharger la décision, cliquez ICI:
Mais peu importe: très vite, le parquet bifurque. Son raisonnement se déploie dès lors en deux temps: d'abord, il rappelle que «le Président de la République bénéficie d'une irresponsabilité pour les actes accomplis en cette qualité durant son mandat» (article 67 de la Constitution); ensuite, il estime que cette «irresponsabilité (...), qui vise à protéger la fonction présidentielle et non son titulaire, doit s'étendre aux actes effectués au nom de la Présidence de la République par ses collaborateurs».