La justice des mineurs, et le pilori gouvernemental
source et suite de l'article www.mediapart.fr
Un projet de loi, en discussion à l'Assemblée nationale à partir du 21 juin, durcit la justice des mineurs, en l'alignant en partie sur celle des adultes. Passée inaperçue, car en marge du volet sur les jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, cette réforme est «bien plus qu'une petite modification de la justice des mineurs, elle en modifie totalement l'esprit», met en garde Catherine Sultan, présidente du tribunal pour enfants de Créteil.
Le texte, déjà passé au Sénat en mai en procédure accélérée (une seule lecture par chambre), prévoit notamment une saisine directe du tribunal pour enfants, s'apparentant à une forme de comparution immédiate pour enfants, et la création de tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de plus de 16 ans.
Le nouveau code pénal des mineurs, en élaboration depuis trois ans et «quasiment achevé» selon Michel Mercier, est lui brusquement passé à la trappe en mars 2011. Trop peu de temps pour le discuter avant l'échéance présidentielle. Pourquoi cette urgence à réformer une 35e fois l'ordonnance de 1945 ? Parce qu'«un mineur d'aujourd'hui n'a rien à voir avec un mineur de 1950», avait déclaré Nicolas Sarkozy le 11 février sur le plateau de TF1, en laissant entendre que le tribunal pour enfants n'était «plus adapté».
Vite, il faut aller plus vite. C'est d'ailleurs l'objectif principal de cette loi qui, selon le ministre de la justice entendu par la commission des lois le 8 juin, doit «améliorer la célérité et l'efficacité de la réponse pénale à l'égard des mineurs» (le mot «enfant» au centre de l'ordonnance de 1945 a disparu). Michel Mercier estime «bien trop long» le délai moyen de jugement des mineurs (18 mois entre la commission des faits et la décision de justice).
Or c'est justement dans cette phase cruciale que le juge des enfants rencontre le jeune, le met en examen puis peut demander des investigations poussées pour mieux connaître sa personnalité, son environnement familial et social, et ordonner des mesures éducatives.
«Toute l'idée de l'ordonnance de 1945 est qu'un adolescent est un être en maturation, donc il faut lui laisser du temps avant le jugement pour lui donner une chance de se réhabiliter, de prendre conscience de son acte et de changer avant le jugement, souligne Isabelle Audureau, éducatrice marseillaise et déléguée nationale de la PJJ-CGT. Et il faut du temps au juge et aux éducateurs pour comprendre s'il s'agit d'un accident de parcours, comme cela peut arriver à l'adolescence, ou d'une inscription plus profonde dans la délinquance.»