L’ancien patron des RG révèle l’existence d’un système d’écoutes sauvages
source et suite de l'article www.mediapart.fr par FABRICE ARFI ET KARL LASKE
Le tout-puissant patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, assure qu’il n’est l’espion de personne. Secoué par la publication, jeudi, de L’Espion du Président (éd. Robert Laffont), un livre d’enquête qui lui est consacré, M. Squarcini a annoncé le dépôt de plusieurs plaintes, contre les trois auteurs de l’ouvrage et contre Mediapart, qui en a relayé le contenu.
Dans un entretien à Mediapart, Yves Bertrand, l’ancien patron des Renseignements généraux (RG), qui a été son supérieur durant douze ans (1992-2004), évoque à son tour les missions obscures confiées au service de renseignements intérieurs. Il révèle notamment l’existence depuis 1995 d’un système d’écoutes téléphoniques « effectuées à la discrétion de Matignon et de l’Elysée » en dehors de tout contrôle de la commission nationale des interceptions de sécurité, la CNCIS.

« Matignon avait entre vingt et trente lignes, peut-être plus, qui ne passaient pas
par la commission,
affirme Yves Bertrand, qui dit ne s'être jamais servi du système lorsqu'il était en poste. Vous avez en réalité deux types d’écoutes administratives, celles qui passent par la
commission, qui peuvent être refusées, et les autres... »Selon l’ancien directeur des RG,« le pouvoir actuel s’est beaucoup servi de ce système » mis en place en
1995 sous le gouvernement d’Alain Juppé, actuel ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy.
Ces déclarations viennent aujourd’hui conforter le témoignage de Jean-Louis Dewost, ancien président de la CNCIS, sur le contournement de la législation sur les écoutes. « Nous nous sommes rendu compte en 2009, à l’occasion d’un contrôle chez un opérateur de téléphone, que des demandes de fadettes, puis d’écoutes téléphoniques, étaient faites directement sans passer par la commission que je présidais », avait déclaré le haut fonctionnaire au Journal du Dimanche, en 2010. Depuis, M. Dewost a été entendu par la justice dans l’affaire des fadettes duMonde.
D’après le livre qui vient de paraître sur lui, Bernard Squarcini est devenu l’incontournable policier du président, celui chargé notamment des basses œuvres. Que pensez-vous de son parcours ?
C’est quelqu’un que j’ai longtemps eu comme adjoint. Je l’ai pris à la sortie de l’école. C’est vous dire si je le connais ! On l’a nommé à Brest, puis dans les Pyrénées-Altantiques pour s’occuper d’ETA militaire. Ensuite, on l’a fait venir à la direction. C’est un excellent exécutant, mais ce n’est pas un concepteur. Il ne savait pas bien rédiger. On le voit aujourd’hui, il se défend très mal.
A un moment donné, Nicolas Sarkozy s’est entiché de lui. J’étais alors en fonction. Cécilia Sarkozy ne m’appréciait pas – elle m’appelait « le grincheux » – et elle a poussé son mari à mettre Squarcini à ma place. Mais je l’ai gardé jusqu’au bout. C’était un très bon collaborateur.
Les points forts de Squarcini sont faciles à voir. Il a fait de la lutte antiterroriste toute sa vie, en se limitant toutefois aux Corses du FLNC et au Pays basque – il ne connaît pas bien le terrorisme islamiste. Il a fait son travail de sous-directeur de la recherche, mais il n’a pas de faits d’armes particuliers. L’arrestation d’Yvan Colonna qu’on lui attribue souvent est due en réalité à un ancien agent, François Casanova, qui travaillait beaucoup dans les prisons.