Karachi: un fantôme aux portes de l'Elysée
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Un protagoniste inattendu et insaisissable a surgi dans l'enquête des juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire sur les dessous des ventes d'armes du gouvernement Balladur. Il s'agit d'un fantôme. Son nom : Akim Rouichi, mort il y a seize ans. Comme l'a révélé Le Point de cette semaine, ce militant associatif de Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise) avait été chargé d'espionner des membres de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur pour le compte des réseaux chiraquiens, en 1995, selon des témoignages recueillis ces dernières semaines par les policiers de la Division nationale des investigations financières (Dnif).
Akim Rouichi avait-il fait des découvertes sur Nicolas Sarkozy et sur d'autres ministres du gouvernement Balladur? Son frère, François Rouichi, qui a décidé de briser plus de quinze ans de silence, le laisse entendre aujourd'hui à Mediapart.
Ancien responsable de l'UMP à Garges-lès-Gonesse, François Rouichi assure qu'il avait surpris, en 1995, une conversation de son frère avec l'un de ses "officiers traitants" des Renseignements généraux (RG) durant laquelle il évoquait«l'autre de Neuilly», avant de citer son nom – Nicolas Sarkozy –, comme étant impliqué dans les troubles dessous financiers des ventes d'armes du gouvernement Balladur. Et il rapporte que son frère avait alors fait état de l'existence d'une société au Luxembourg, surnommée «la tirelire», qui aurait été liée à M. Sarkozy.
Auteur d'écoutes téléphoniques clandestines compromettantes pour plusieurs personnalités du camp Balladur – écoutes que les enquêteurs recherchent activement depuis plusieurs jours –, Akim Rouichi a été retrouvé pendu en août 1995 au domicile de l'une de ses sœurs, à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis).
A rebours des conclusions de la police et de la justice, sa famille n'a jamais cru que le jeune homme s'était donné la mort. Elle continue aujourd'hui de penser qu'il a été "suicidé", peut-être à cause des missions secrètes dont il a été chargé en pleine guerre homérique entre deux clans de la droite, les chiraquiens et les balladuriens.
D'après les éléments recueillis par les policiers, Akim Rouichi aurait été "traité" par deux anciens agents des services de renseignements français, l'un aux RG, l'autre à la DST, qui travaillaient en sous-main pour le clan Chirac. Pour mener à bien sa mission clandestine, il s'était vu confier tout l'attirail du parfait espion : scanner fréquentiel, numéros des téléphones portables visés, codes de déchiffrement pour les appareils cryptés et les agendas des "cibles".
Le jeune homme serait ainsi parvenu à surprendre pendant plusieurs mois les conversations de François Léotard, alors ministre de la défense du gouvernement Balladur, de son conseiller spécial Renaud Donnedieu de Vabres, de Charles Pasqua, ministre de l'intérieur, de l'ancien patron de Thomson, Alain Gomez, et de Jacques Douffiagues, ancien président d'un office d'armement, la Sofresa, récemment décédé.
Voici notre entretien vidéo avec François Rouichi :