Fuite en avant sécuritaire
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Publié par christian guittard
L'information n'a pas fait les gros titres de la presse, mais elle mérite pourtant d'être détaillée. Mardi soir, députés et sénateurs ont encore durci l'arsenal judiciaire et policier en adoptant définitivement la loi dite « Loppsi 2 » (loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure). Ce barbarisme recouvre un véritable fourre-tout sécuritaire, qui a été dénoncé sans grand succès par la gauche (PS, PC, Verts...) et la plupart des associations humanitaires (Ligue des droits de l'homme, Droit au logement, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, etc.).
En vrac, la majorité parlementaire vient de rendre encore plus sévères les peines-plancher, compliquer un peu plus l'existence des sans domicile fixeet des squatters, étendre les possibilités de vidéosurveillance, permettre de bloquer certains sites internet sous couvert de lutte contre la cyber-pédophilie, etc. Dans ce véritable fatras législatif, les parlementaires ont même réussi à glisser un léger assouplissement des règles du permis à points.
Une fuite en avant sécuritaire dont on ignore l'efficacité potentielle sur la délinquance et la criminalité, mais qui, à coup sûr, grignote encore un peu plus des libertés individuelles déjà mises à mal depuis 2002 (lois Perben 1 et 2, loi Besson, Loppsi 1, etc.). Cette frénésie législative contribue grandement à l'exaspération des milieux judiciaires, obligés de courir derrière les lois de circonstances et les réformes à appliquer, et d'écoper les dossiers avec des moyens très insuffisants (plusieurs tribunaux ne peuvent plus payer les «frais de justice», comme les expertises par exemple).
Pour s'y retrouver, à la veille des rassemblements de magistrats et de policiers en réaction aux propos de Nicolas Sarkozy sur l'affaire de Pornic, le dossier de Mediapart sur une dérive sécuritaire assumée.
1. Une volonté répétée de Nicolas Sarkozy.
A Grenoble, le 30 juillet dernier, un Nicolas Sarkozy soucieux de remonter dans les sondages lâche, au milieu de son discours sur l'insécurité, une véritable bombe: «La nationalité doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police, d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique», dit le président.
Le 7 septembre, Nicolas Sarkozy affirme qu'il «ne reculera pas» sur la sécurité, lors d'un petit-déjeuner à l'Elysée avec les responsables de sa majorité. Le président de la République veut que les mesures annoncées lors de son discours grenoblois soient mises en œuvre dans leur intégralité.«Tout Grenoble et rien que Grenoble», dit-il pour montrer la voie, mardi matin, quelques heures avant l'examen du projet de loi sur la sécurité par le Sénat. Il est vrai que plusieurs responsables, de l'UMP et de ses alliés centristes, ont montré leur agacement face aux derniers amendements répressifs que veut imposer le gouvernement.
Rien n'y a fait. Ni les protestations de trois ex-premiers ministres de l'UMP – Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin – contre les excès du «discours de Grenoble» et les nouvelles mesures sécuritaires exigées par Nicolas Sarkozy. Ni les réserves de la commission des lois du Sénat face aux amendements apportés in extremis par le gouvernement pour transposer ce fameux discours du 30 juillet dans la loi sur la sécurité en cours d'examen au Sénat. «Ma capacité à céder sur ce terrain est égale à zéro», avait affirmé M. Sarkzoy à sa majorité, le 8 septembre à l'Elysée.
2. Un arsenal législatif inquiétant
«Notre arsenal répressif reste insuffisant», avait considéré Christian Estrosi, le rapporteur (UMP) de la proposition de loi «anti-bandes», définitivement adoptée, dans la nuit du 11 au 12 février 2010 au Sénat. Peu importe que M. Estrosi soit devenu depuis ministre de l'industrie, la production de textes répressifs continue. Grand fourre-tout sécuritaire, la première loi sur «la performance de la sécurité» (Loppsi 1) est adoptée le 16 février.
En août dernier, plus de 20.000 personnes signent l'appel «Nous sommes tous français», publié par Mediapart, lancé par le constitutionnaliste Olivier Duhamel et ses quatre cosignataires. Un «formidable mouvement»qui se poursuivra au rythme du calendrier parlementaire, annonce son auteur qui entend empêcher l'adoption d'une loi discriminatoire envers «les Français d'origine étrangère», selon l'expression employée par Nicolas Sarkozy dans son discours de Grenoble.
L'avocat Christian Charrière-Bournazel publie, en janvier 2011, un brûlot salutaire en ces temps d'instrumentalisation récurrente des faits divers. Intitulé La Rage sécuritaire, ce petit opus (paru chez Stock dans la collection «Partis pris»), entend dénoncer l'inutilité des annonces d'un jour et le danger des lois de circonstances qui rognent de plus en plus sur les libertés.
3. Une politique de sécurité qui a échoué
Avocat de formation, le député (PS) de l'Isère André Vallini a été le président de la commission parlementaire sur la catastrophe judiciaire d'Outreau. Il est l'un des meilleurs connaisseurs de notre système judiciaire. Il condamne sans réserve les propos démagogiques de Nicolas Sarkozy sur le fonctionnement de la justice après le meurtre de la jeune Laetitia à Pornic, qui provoquent actuellement un mouvement de contestation sans précédent dans les tribunaux de France.
Secrétaire national du PS chargé de la sécurité, Jean-Jacques Urvoas critique fortement la politique sécuritaire conduite par Nicolas Sarkozy depuis 2002. Le député du Finistère
analyse les échecs, les impasses et les outrances de cette politique qui joue sur les peurs et qui est en voie de radicalisation. La«méthode
Sarkozy» ne marche pas, tandis que «les
institutions de sécurité se délabrent et les victimes se multiplient». Le «Monsieur Sécurité» du PS dessine les pistes d'une autre politique, qui serait dotée d'«une police au
service de la population».
4. Magistrats et policiers en colère
Entre Nicolas Sarkozy et l'institution judiciaire, les choses n'ont jamais été simples. Le fait qu'il soit avocat, et qu'il promette d'en finir avec certains aspects critiquables de la procédure inquisitoire (comme le culte de l'aveu prononcé en garde à vue), avaient fait naître des espérances. Elles se sont transformées en rancœur, un sentiment de rage et de dégoût mêlés, qui parcourt les tribunaux, et dont on mesure aujourd'hui la profondeur avec l'affaire de Pornic, énième instrumentalisation politique d'un «fait divers».
Le principal syndicat des officiers de police, le Snop, participera jeudi 10 février aux rassemblements organisés par l'Union syndicale des magistrats pour protester contre les «propos présidentiels ayant hâtivement et excessivement mis en cause tant la police que la justice».