François Hollande, l'alchimiste pour 2012
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Novembre 2008. Le PS est à l'agonie, après un congrès de Reims rongé par les divisions. Le dernier acte de François Hollande à la tête du premier parti de gauche est un fiasco. Lui, l'énarque et ancien d'HEC, petit-fils prometteur de la Mitterrandie dans les années 1980, fils spirituel de Jacques Delors au début des années 1990, et compagnon de route de Lionel Jospin sous la gauche plurielle, ramasse toutes les critiques. Il est plus moqué que jamais, du«Schtroumpf hilare» de Jean-Luc Mélenchon, au «M. Petites blagues» et «fraise des bois» pour Laurent Fabius, en passant par le «Flanby» des Guignols.
Il se retrouve seul, dans un bureau, avec son fidèle parmi les fidèles, Stéphane Le Foll, inusable directeur de cabinet au siège de Solférino. «On se retrouve en tête à tête. Après onze ans passés à la tête du parti, ça fait drôle... Là, je lui demande: tu veux faire quoi maintenant?», raconte Le Foll.

Trois ans plus tard, l'alchimiste Hollande est désigné candidat du PS à la présidentielle, battant au second tour Martine Aubry dans le cadre d'une primaire citoyenne réussie et inédite, par 56% des voix contre 44%. Il est parvenu, sans que l'on sache encore vraiment comment, à transformer le plomb de son passif à la tête du PS, en résurrection dorée aux portes de l'Elysée. Jusqu'ici, son image était semblable à celle d'un de ses modèles corréziens, le député radical-socialiste de Corrèze Henri Queuille, un symbole d'opportunisme sous la IVe République. Mais aussi un homme d'Etat, trois fois président du conseil.
Dans les ruines du parti
A la tête du PS onze ans durant, Hollande n'a connu que des succès aux élections locales, succès partagés avec des barons cumulards sur lesquels il a assis son autorité, sur fond de triches et de bourrages d'urnes récurrents. Sous son règne, le parti n'a réuni que des conventions prétextes, sans aucun travail collectif préalable. Il a voté à l'inverse de la majorité du peuple de gauche au référendum européen de 2005. Quant aux manifestations, le PS n'y participe plus, n'ayant ni le goût de la radicalité ni celui d'être mal accueilli dans les cortèges. Enfin, à force de grandes synthèses vagues de congrès, il a sacrifié toute une génération politique, noyée dans l'unanimisme consensuel accompagnant le néolibéralisme triomphant.
En novembre 2009, Hollande faisait alors le bilan de son mandat de premier secrétaire, et confiait sur ce sujet à Mediapart:
«Dès lors que les rénovateurs se lançaient pour un combat en faveur d'une VIe République parlementaire, contre les institutions européennes et critiques de la politique économique que nous avions suivie, la synthèse n'était pas possible entre des intérêts inconciliables. Je ne contestais pas leur souhait de rénovation et je trouvais regrettable que cette génération ne puisse donner sa pleine mesure. Je me suis donc retrouvé, sans que j'aie à le souhaiter ou à le regretter, avec Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, et beaucoup d'autres, moins parce que je les avais sollicités que parce qu'ils étaient à ce moment là sur la même ligne que moi.»
Cette ligne politique, au-delà des grands écarts idéologiques des synthèses qu'il réalise, demeure la même depuis ses débuts au Parti socialiste. La même depuis les années 1980, quand il crée «les Transcourants» au sein du PS, après avoir publié en décembre 1984 dans Le Monde une tribune fondatrice: «Pour être de gauche, soyons démocrate». Ce point de vue, co-signé par Jean-Pierre Jouyet, Jean-Pierre Mignard, Ségolène Royal ou Jean-Yves Le Drian, vise à recentrer la social-démocratie, sur le modèle du parti démocrate américain.
«Affirmer, au-delà du clivage gauche-droite, les principes sur lesquels notre société doit impérativement reposer», écrivaient-ils. Vingt-cinq ans plus tard, Hollande entend toujours «reconquérir l'espace social-démocrate, sans complexe par rapport à François Bayrou et sans mauvaise conscience par rapport à l'ultra-gauche, avec qui il faut discuter mais qui nous combat», nous expliquait Michel Sapin en 2009.
Selon le Canard enchaîné de cette semaine, l'ami de 20 ans Julien Dray aurait déjà pris langue avec la dirigeante du MoDem Marielle de Sarnez, afin de préparer un éventuel accord de gouvernement, ce que dément François Bayrou. Si Hollande a toujours privilégié pour le PS des alliances prioritaires avec les écologistes et le PCF, il assume désormais bien plus clairement sa logique de centre-gauche«responsable» et «crédible», soucieux de ne surtout pas «donner de fausses illusions».