Des mails révèlent l'affairisme secret de Sarkozy avant 2007
source et suite de l'article www.mediapart. fr par FABRICE ARFI ET KARL LASKE
C’est la face cachée d’un ministre de l’intérieur. Avant qu’il ne soit président de la République. On la découvre dans les mails échangés par les proches de Nicolas Sarkozy entre 2003 et 2007. Ces documents, auxquels Mediapart a eu accès, ont été saisis en marge de l’affaire Takieddine, et ont fait l’objet d’une note de synthèse des enquêteurs, le 24 janvier, récemment versée au dossier du juge Renaud Van Ruymbeke. « Ces différents courriels ont été écrits ou reçus par Thierry Gaubert entre 2003 et 2007 alors que M. Gaubert était le directeur de cabinet de M. Charles Milhaud, président de la Caisse nationale des caisses d’épargne », indiquent les policiers.
La justice a mis en cause Thierry Gaubert, l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly puis au ministère du budget, pour « recel d’abus de biens sociaux » et « blanchiment aggravé »après avoir découvert ses comptes bancaires à l’étranger et les liens étroits qu’il entretenait avec le marchand d’armes et intermédiaire Ziad Takieddine.
La liste de ses correspondants comprend, outre Takieddine, une douzaine de personnes, au premier rang desquelles le premier cercle de Nicolas Sarkozy : Brice Hortefeux, alors conseiller du ministre, et Nicolas Bazire, l’ami intime, dirigeant de LVMH, aujourd’hui mis en examen dans l’affaire. A travers ces mails, c'est l'affairisme d'un ministre et de son clan qui émerge.
SARKOZY, LE MINISTRE AVOCAT

En 2002, comme en 1993, Nicolas Sarkozy, devenu ministre, s’est fait “omettre” du barreau ; cela signifie qu’il ne peut donc plus s'occuper, en théorie, des affaires de son cabinet d’avocats, spécialisé dans l’immobilier, et dont le fonctionnement est dévolu à son associé Me Arnaud Claude. Les mails de Thierry Gaubert prouvent qu’il n’en a rien été. En réalité, Nicolas Sarkozy, qui reste toutefois actionnaire de la société d’exercice libéral par action simplifiée (Selas) créée en 2002, a continué depuis la place Beauvau à gérer les affaires de son cabinet, en profitant des dossiers apportés par son sulfureux ex-collaborateur. C’est M. Gaubert lui-même qui le dévoile dans ses échanges.
- 6 décembre 2003, 17h08, message de Thierry Gaubert à son patron aux Caisses d’épargne, Charles Milhaud. Le sujet est “Arnaud Claude” : « NS me demande de vous transmettre ses remerciements pour le dossier que vous venez de lui confier. »
- 6 décembre 2003, 18h28, message de Charles Milhaud à Thierry Gaubert : « Vous a-t-il dit de quelle affaire il s’agissait. »
- 8 décembre 2003, 11h55, message de Thierry Gaubert à Charles Milhaud : « En fait NS a constaté sur un tableau récapitulatif que le volume d’activité avec CF a doublé (7 dossiers) en quelques semaines et en était très satisfait. »
La mention “CF” fait référence aux initiales du Crédit foncier, filiale des Caisses d’épargne. « Que M. Gaubert ait fait en sorte, pour se valoriser, d’apporter des affaires au cabinet Claude, c’est bien possible, a commenté auprès de Mediapart M. Milhaud, mais de mon côté je ne m’occupais pas des affaires de contentieux. »
Contactés, Me Arnaud Claude, l’associé de M. Sarkozy, et MeThierry Herzog, son avocat personnel, n’ont pas donné suite à nos sollicitations. Tout comme Thierry Gaubert.
Brièvement employé, en 2003, comme chargé de mission par Jean-François Copé, alors porte-parole du gouvernement et ministre délégué à l’intérieur, M. Gaubert était un parfait homme de l’ombre. Et pour cause : les relations entre Nicolas Sarkozy et son ancien collaborateur avaient officiellement cessé, à la suite de ses premiers ennuis judiciaires (dans une affaire de détournement des aides au 1 % logement). Henri Guaino, conseiller spécial de l’ancien président, l’avait assuré, le 26 septembre dernier, sur France-2 :« M. Gaubert a été son collaborateur il y a quinze ou seize ans, depuis il n’a aucun rapport avec M. Gaubert. » Là encore, les mails exhumés par la justice démontrent l’inverse. Autre exemple :
- 10 décembre 2003, 10h23, un message de Thierry Gaubert résumé par les policiers : « Gaubert indique qu’il vient de participer au petit-déjeuner avec NS à l’hôtel Prince de Galles avenue Georges V. »