Chrétien et franc-maçon : les raisons d’une incompatibilité.
Le curé de Megève (Haute-Savoie), Pascal Vesin, démis de ses fonctions par l’évêque d’Annecy, Mgr Yves Boivineau en raison de son appartenance à la Franc-Maçonnerie a été une annonce qui a détonné dans la blogosphère maçonnique essentiellement !
Le Diocèse d’Annecy a communiqué sur sa décision le 24 mai 2012 dans un communiqué (voir ce dernier ici ou ci après)
Le Code de Droit canonique de 1983 ne fait pas mention
expresse de la franc-maçonnerie, à la différence de celui de 1917. Ce
fait a pu être interprété comme un changement de position de l’Église.
Dans une note datée du 26 novembre 1983, La Congrégation pour la
Doctrine de la Foi (CDF) précise que « le jugement de l’Église sur les
associations maçonniques demeure inchangé… et l’inscription à ces
associations reste interdite par l’Église », ceci en raison même de
l’incompatibilité entre les principes de la Franc-Maçonnerie (FM) et
ceux de la foi chrétienne. La CDF se situe au plan de la foi et de ses
exigences morales, étant donné que le fait d’adhérer à la FM met en
cause les fondements de l’existence chrétienne.
Le relativisme est au fondement même de la FM. C’est le nœud
même de l’incompatibilité, en raison des conséquences sur le contenu
de la foi, l’acte de foi lui-même, l’agir moral et l’appartenance à
l’Église Corps du Christ.
Les francs-maçons nient la possibilité d’une connaissance
objective de la vérité. On demande à un franc-maçon d’être un homme
libre, qui ne connaît aucune soumission à un dogme, ce qui implique
le rejet fondamental de toutes les positions dogmatiques : « Toutes les
institutions qui reposent sur un fondement dogmatique, et dont
l’Église catholique peut être considérée comme la plus représentative,
exercent une contrainte de la foi » (Lennhoff-Posner, Dictionnaire
franc-maçon international, Vienne 1975, p. 374). On rejette tout
dogme, au prétexte de la « tolérance absolue ».
Ainsi, le maçon soutient-il le primat et l’autonomie de la raison
par rapport à toute vérité révélée. Il refuse l’idée même d’une
révélation, les religions étant considérées comme des tentatives
concurrentes pour exprimer la vérité sur Dieu qui, en définitive, est
inaccessible, inconnaissable. Chacun juge par lui-même de la vérité, et
est à lui-même sa propre norme. Livrée à elle-même, la raison n’est plus finalisée par la recherche de la Vérité. Elle est à la merci des
idéologies ou des constructions subjectives. « En toute chose, c’est la
raison humaine et la nature humaine qui restent souveraines ». D’où
l’argument, typiquement maçonnique, de « liberté absolue de
conscience ».
Il n’y a donc, selon la FM, aucune connaissance objective de
Dieu, en tant qu’Être personnel. C’est à l’opposé de la conception
chrétienne de Dieu qui se révèle, entre en dialogue avec l’homme, et
de la réponse de l’homme qui s’adresse à lui en le nommant Père et
Seigneur. Le Concile Vatican II l’exprime en ces termes : « Il a plu à
Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire
connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le
Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit-Saint, auprès du Père
et sont rendus participants de la nature divine. Dans cette Révélation
le Dieu invisible s’adresse aux hommes en son immense amour ainsi
qu’à des amis, il s’entretient avec eux pour les inviter et les admettre à
partager sa propre vie. » (D.V. 2)
Les dogmes dans l’Église sont des expressions de la foi reçue
des Apôtres. Ils ne sont pas des formulations arbitraires, closes sur
elles-mêmes. Ils sont plutôt des balises qui indiquent le mystère du
Christ, « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). Ces « définitions »
de foi nous sont données pour éclairer notre intelligence et rendre
raison de notre foi.
En soutenant le primat et l’autonomie de la raison par rapport à
toute vérité révélée, l’homme prétend se perfectionner sans cesse luimême en s’appuyant sur son pouvoir auto-créateur. Selon la
« philosophie » franc-maçonne, l’homme n’a pas besoin de salut. Or
l’Évangile est l’heureuse annonce du Salut : le chrétien attend et reçoit
le salut de la grâce miséricordieuse de Dieu, en la personne de Jésus
qui est précisément le Sauveur (Jésus = « Dieu sauve »). « C’est bien
par la grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi. Cela ne vient
pas de vous, c’est le don de Dieu » (Eph 2, 8).
Sur le plan éthique, les différences sont aussi considérables. Pour
le franc-maçon, les règles morales sont appelées à évoluer sans cesse
sous la pression de l’opinion publique et des progrès de la science. La
morale évolue au gré du consensus des sociétés. S’il est exact que
l’homme se situe toujours dans une société particulière, il faut
toutefois admettre que l’homme ne se définit pas tout entier par cette
culture, qu’il n’est pas le « produit » d’une culture. Il existe en l’homme quelque chose qui transcende les cultures : ce que la foi
chrétienne exprime en affirmant que « l’homme est créé à l’image de
Dieu ».
La franc-maçonnerie conteste ainsi toute autorité morale et
doctrinale, misant sur l’autonomie individuelle, écartant les arguments
d’autorité, et exigeant une absolue liberté de conscience. C’est
finalement le règne du « Moi » ! Et la domination du relativisme…
Les différentes confessions religieuses auxquelles appartiennent les
adhérents sont considérées comme secondaires par rapport à
l’appartenance plus englobante et supra-confessionnelle à la fraternité
maçonnique : ce qui conduit forcément à tout apprécier et juger du
point de vue maçonnique…. sans s’en rendre compte.
L’engagement au sein de la franc-maçonnerie transforme l’acte
de foi chrétien. Il ne peut être neutre : les rites initiatiques dans le
secret des loges produisent inévitablement leurs effets sur les
membres. La revendication de la « liberté absolue de conscience » est
le produit de la « doctrine » relativiste qui s’impose progressivement,
à l’insu même des intéressés. La franc-maçonnerie revendiquant pour
ses membres une adhésion totale, il est évident que la « double
appartenance » est impossible pour un chrétien qui « appartient au
Christ » (Rom 14,8).
La Chancellerie
Diocèse d’Annecy
Références :
- « L’Eglise et la franc-maçonnerie. Déclaration de l’épiscopat allemand »,
La Documentation Catholique, N° 1807 – 3 Mai 1981, p.444-448.
- « Foi chrétienne et franc-maçonnerie ». Osservatore Romano 26.11.83
La Documentation Catholique, N° 1895 – 5 Mai 1985, p. 482-483.