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Publié par christian guittard

source et suite de l'article www.mediapart.fr par  FABRICE ARFI

La scène se passe le 12 juillet 2010, dans les jardins de l’Elysée. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, fait face au journaliste de France-2, David Pujadas. Une petite table les sépare. L’affaire Bettencourt,révélée un mois plus tôt par Mediapart, est alors à son paroxysme. L’air grave, le geste lent, M. Sarkozy est catégorique quant aux soupçons de corruption politique qui sourdent de l’affaire : « S’agissant de l’enquête sur un financement politique, la vérité se fait jour. Chaque témoin apporte sa contribution pour montrer qu’il y a une calomnie, une campagne (…) C’est une honte » (revoir la vidéo).

A l’époque, le dossier judiciaire est entre les mains, agiles et protectrices, du procureur de Nanterre, Philippe Courroye, un proche du chef de l’Etat.

Dix-sept mois plus tard, le décor a changé, radicalement. Dans le secret de son cabinet du tribunal de Bordeaux, où l’affaire a été dépaysée début 2011, le juge d’instruction Jean-Michel Gentil signe, jeudi 22 mars, un document qui, en quelques lignes, fait voler en éclats l’assurance présidentielle de juillet 2010. Il s’agit, selon le lexique judiciaire, d’une « ordonnance de saisine » du juge des libertés en vue du placement en détention d’un acteur clé de l’affaire Bettencourt, Patrice de Maistre, l’ancien gestionnaire de fortune de l’héritière de l’empire L’Oréal, plusieurs fois mis en examen dans ce dossier – et actuellement emprisonné.

© Reuters

 

L’« ordonnance » du juge Gentil, dont le contenu a été révélé par leJournal du dimanche, affirme que les soupçons de financement politique occulte, loin d’être une vue de l’esprit, sont aujourd’hui de plus en plus documentés. La foudre est venue de Suisse, où, comme nous l’avons déjà raconté (ici), les époux Bettencourt ont caché pendant des décennies au fisc français douze comptes en banque.

D’après l’enquête judiciaire, Patrice de Maistre est aujourd’hui soupçonné d’avoir été la cheville ouvrière, pour le compte des Bettencourt, d’un « système de “mise à disposition d’espèces par compensation” du 5 février 2007 au 7 décembre 2009 pour des montants considérables de 4 millions d’euros ».

Or, selon les résultats d’une commission rogatoire internationale, il apparaît que deux retraits d’espèces de 400 000 euros chacun ont eu lieu en 2007, en pleine campagne présidentielle, à des dates tout sauf anodines au regard des indices déjà récoltés par la justice. Ainsi, un premier retrait a eu lieu le 5 février 2007, deux jours avant un rendez-vous entre Patrice de Maistre et un autre mis en examen du dossier, Eric Woerth, ancien trésorier de la campagne présidentielle de M. Sarkozy.

La femme de M. Woerth travaillera à partir du mois de novembre 2007 pour le compte des Bettencourt. Et M. Woerth remettra personnellement la Légion d'honneur en janvier 2008 à M. de Maistre, soit l'employeur de sa femme.

Les investigations bancaires en Suisse ont permis d’établir qu’un deuxième retrait avait eu lieu en Suisse le 26 avril 2007. Dans son« ordonnance », le juge Gentil souligne que, le même jour, dans son journal intime révélé par Mediapart, le photographe François-Marie Banier, alors proche des Bettencourt, rapportait des propos tenus devant lui par Liliane Bettencourt : « De Maistre m’a dit que Sarkozy avait encore demandé de l’argent. J’ai dit oui. »

M. Banier avait expliqué il y a un an aux policiers de la brigade financière, qui avaient saisi son journal intime lors d’une perquisition, que ces écrits constituaient des « observations de vies minuscules et de vice majuscule ». « Cela correspond aussi à ma réalité vécue », avait-il ajouté, tout en essayant de minimiser, sans convaincre, l’importance de ses notes sur Nicolas Sarkozy.

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