Bercy était prévenu dès 2009 de la situation fiscale de Liliane Bettencourt
25 Juin 2010 Par
Dénégations, généralités et menaces de poursuites n'y font rien. Pièce par pièce, l'argumentaire d'Eric Woerth sur son rôle dans l'affaire Bettencourt, en tant que ministre du budget et trésorier de l'UMP, se disloque ou se révèle inexact. C'est le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, qui, vendredi en fin d'après-midi, a porté un coup sévère à la défense du ministre. Le parquet de Nanterre avait alerté l'administration fiscale en janvier 2009 sur de possibles fraudes fiscales de la milliardaire Liliane Bettencourt, a expliqué le procureur.
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«L'administration fiscale avait été prévenue le 9 janvier 2009 du fait que ce dossier était susceptible de mettre en évidence des éléments de fraude fiscale», a dit Philippe Courroye en précisant que cette démarche avait été réalisée «conformément à l'article L101» du livre des procédures fiscales.«L'administration a eu connaissance de l'ensemble des pièces du dossier», a-t-il ajouté.
La déclaration du procureur Courroye est terriblement embarrassante pour Eric Woerth, qui avait affirmé jusqu'alors n'avoir jamais disposé d'informations relatives à d'éventuelles fraudes fiscales de Liliane Bettencourt. Or la procédure d'information évoquée par le procureur est la suivante.
L'article L101 cité stipule que la justice pénale ne peut s'autosaisir d'un dossier de fraude fiscale: «L'autoritéjudiciaire doit
communiquer à l'administration des finances touteindication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer unefraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eupour objet ou
ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre unimpôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'uneinformation criminelle ou correctionnelle même terminée par
unnon-lieu.»
Cette administration fiscale doit ensuite saisirle ministre de l'économie et des finances. Eric Woerth étant en 2009ministre du budget, tout entier concentré à publiquement combattre lafraude
fiscale, on imagine difficilement qu'il n'ait pas été saisi ouqu'il n'ait pas reçu délégation de Christine Lagarde, alors ministre de l'économie etdes finances. Il revient ensuite, selon la
procédure, au ministre desaisir les services d'enquête fiscale. Puis, lui seul peut décider deréunir la «commission des
infractions fiscales» qui doit donner son feu vert à d'éventuelles poursuites judiciaires.