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Publié par christian guittard

source et suite de l'article : www.mediapart.fr

par Edwy Plenel

Les informations de Mediapart qui ont lancé l'affaire Bettencourt relèvent de « la légitime information du public ». Non seulement notre journal n'a commis aucun délit avec la révélation des enregistrements réalisés par l'ex-majordome de Liliane Bettencourt, mais il n'a fait que son devoir : informer sur des faits d'intérêt général. Ainsi en a jugé la cour d'appel de Paris dans ses arrêts rendus, vendredi 23 juillet, où elle confirme intégralement le jugement de première instance qui, le 1er juillet, avait jugé « d'intérêt public » notre travail.

Il s'agit là d'une importante victoire pour la liberté de la presse en France, tant la genèse médiatique de cette affaire a mis en évidence, jusque dans notre profession, les frilosités françaises en matière de droit du public à l'information.

En faisant minutieusement son travail journalistique avant de décider de publier des extraits des enregistrements clandestins réalisés au domicile de Mme Bettencourt, Mediapart avait évidemment pris toutes ses précautions, aussi bien professionnelles que juridiques. Et nous avions évidemment réfléchi posément au respect de la vie privée de personnes enregistrées à leur insu, principe démocratique auquel nous sommes particulièrement attachés, autant sinon plus que d'autres, par expérience vécue.

Avec l'appui de nos conseils, Mes Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman, dont le talent professionnel doublé de fortes convictions nous est d'une aide infiniment précieuse, nous avons donc assumé un choix conforme à notre conception démocratique de l'information: l'origine illicite des enregistrements, dont nous avions évidemment vérifié l'authenticité, ne saurait entraver la révélation de faits d'intérêt public concernant le respect de la loi fiscale, les financements de partis ou de personnalités politiques, le fonctionnement et l'indépendance de la justice ou l'avenir de l'actionnariat d'une grande entreprise.

En conséquence de quoi, Mediapart a écarté tout ce qui relevait de l'intimité de la vie privée pour ne s'en tenir qu'aux informations relevant de ces registres et dont l'impact public, depuis la mi-juin, nourrissant un large débat politique, montre a fortiori la pertinence.

Les arrêts de la cour d'appel de Paris valident totalement notre choix et le travail qui en a résulté. La justice inflige ainsi un cinglant désaveu à tous ceux qui, au nom du pouvoir en place, se sont cru autorisés à calomnier et diffamer notre journal, au point de l'accuser de «méthodes fascistes». Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, que nous poursuivons en justice, sera encore plus à la peine, après cette décision d'appel, pour justifier cette grossière diffamation.

Démocratiques, dans leurs précautions, les méthodes de Mediapart le sont aussi dans leurs finalités qui est de faire vivre le droit de savoir des citoyens en démocratie : tel est, en substance, le message de juges indépendants, aussi bien en première instance qu'en appel.

Mediapart, on s'en souvient, était assigné par Liliane Bettencourt et par Patrice de Maistre, son gestionnaire de fortune. Leurs avocats respectifs, Me Georges Kiejman et Me Pascal Wilhelm, demandaient de nouveau le retrait total de nos premières informations, qui leur avait été clairement refusé par le premier juge des référés.

Ils entendaient de plus nous interdire d'exploiter à l'avenir des enregistrements pourtant en possession de la justice et de la police, et versés aux débats du procès de François-Marie Banier, le protégé de Liliane Bettencourt, qui oppose celle-ci à sa fille, Françoise. Leur argumentation juridique portait essentiellement sur le respect de la vie privée qui, estimaient-ils, devait ici être appliqué absolument, sans prendre en considération le contenu extrait par Mediapart des enregistrements, leur caractère clandestin suffisant à caractériser un délit dont tout acte de publication se faisait le complice.

C'est précisément cet argument juridique que réfutent avec vigueur les deux arrêts rendus, vendredi 23 juillet, par la cour d'appel de Paris, présidée par Alain Girardet, assisté des conseillères Brigitte Chokron et Claire Montpied. Leurs principales dispositions sont exposées dans la page suivante, mais les deux arrêts sont aussi téléchargeables intégralement en format PDF, en cliquant ici pour l'arrêt Bettencourt et là pour l'arrêt de Maistre.

Outre leur portée de droit, ces arrêts ne sont pas sans incidence sur le déroulement actuel de l'affaire elle-même tant ils sont fort éloignés de l'analyse qu'en fait publiquement le procureur de Nanterre, Philippe Courroye.

L'énumération finale par la cour d'appel des faits révélés par Mediapart est une façon de souligner leur importance. Ainsi mentionne-t-elle «les liens qu'elle (Liliane Bettencourt) entretient ou a pu entretenir avec différentes personnalités politiques» ainsi que des «informations concernant l'employeur de la femme d'un ministre de la République, alors trésorier d'un parti politique». On ne saurait mieux souligner, aussi clairement que succinctement, la dimension politique de l'affaire Bettencourt, qui est aussi, comme chacun sait, une affaire Woerth-Sarkozy.

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