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Publié par christian guittard

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    Source mediapart.fr par Laurent Mauduit


    Vendredi 31 juillet au matin, après dix mois de tractations et de rebondissements multiples, la voie semblait définitivement dégagée pour la fusion entre les Banques populaires et les Caisses d'épargne. L'une après l'autre, les assemblées des sociétaires des deux banques mutualistes approuvaient la création de la BPCE. Dans la foulée, la ministre des finances Christine Lagarde se félicitait dans un communiqué de la création de la deuxième banque française et annonçait l'apport de trois milliards d'euros de fonds publics pour aider le nouvel ensemble. Tout cela était prématuré.

     

     

    Car dans l'après-midi, la cour d'appel de Paris, saisie par le comité d'entreprise de la Caisse d'épargne de l'Ile-de-France et le syndicat Sud, a rendu un jugement (consultable ici) qui bloque momentanément tout le processus. L'arrêt de la cour d'appel impose en effet de reprendre toute la procédure d'information des représentants du comité d'entreprise de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France, et exige que la direction leur fournisse des documents qui leur permettent de rendre un avis. En attendant, la cour d'appel interdit à la Caisse d'épargne d'Ile-de-France, la première du réseau Caisses d'épargne, de mener plus avant le projet de fusion. Elle lui impose une astreinte de 100.000 euros par jour.

     

    Ce jugement a été rendu public par le syndicat Sud samedi matin.Dans un communiqué, celui-ci se félicite de la décision de justice qui bloque un « projet contestable sur le plan économique et financier qui n'apporte aucune réponse à l'aventure Natixis ». Après un long silence, la direction de la BPCE a annoncé samedi dans l'après-midi que le jugement ne changerait pas le processus de fusion, que la BPCE serait "opérationnelle dès lundi" sans évidemment la Caisse d'épargne Ile de France pour se conformer à la décision de justice. Cette dernière, selon la direction, rejoindrait"plus tard le nouvel ensemble".

     

    En dépit de ses efforts, la direction est  dans le plus grand embarras. Tout commence à se gripper autour de ce projet que le gouvernement a voulu imposer en force. Les Caisses d'épargne se sont vu infliger le 15 juillet un «blâme» et la plus forte amende - 20 millions d'euros- jamais donnée par la Commission bancaire à la suite de leurs opérations de marché qui leur ont coûté une perte de 750 millions d'euros. Les tensions sociales se multiplient au sein du réseau Caisses d'épargne. Les plaintes contre la nomination de François Pérol, ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée, se multiplient. Et maintenant, c'est la justice qui donne un coup d'arrêt au projet de fusion.

     

    Les syndicats et de nombreux observateurs ont pointé depuis le début le flou qui entoure ce projet bâti dans la précipitation. Leurs critiques avaient été balayées d'un revers de la main. Mais cette fois, c'est la cour d'appel de Paris qui pointe toutes les inconnues qui entourent la création du deuxième réseau bancaire français.
    Revenant sur les termes de la décision prise par le juge des référés, qui avait débouté dans un premier temps le syndicat et le comité d'entreprise, la cour d'appel considère au contraire que les représentants avaient raison de contester l'information qui leur avait été fournie par la direction avant de rendre un avis sur la fusion.
    « La lecture des documents fait apparaître que les deux dossiers communiqués par la CEID [caisse d'épargne Ile-de-France] ne comportent que des généralités quant à la description du projet, que si les modalités de rapprochement avec nécessité d'intervention du législateur sont décrites avec précision, il n'en va pas de même en ce qui concerne la définition du projet industriel, la stratégie du nouveau groupe, le business plan et les conséquences sur l'emploi ; qu'en effet s'il est affirmé la volonté de créer le second groupe français fondé sur la notion de banque de détail et de proximité tout en maintenant l'autonomie des deux réseaux, il n'est apporté aucune précision concrète sur la configuration du groupe, sur la coordination et l'harmonisation des activités des deux réseaux», note l'arrêt.
    Les juges constatent que François Pérol, président des deux banques, a reconnu lui-même devant l'Assemblée nationale qu'il y aurait des doublons dans les emplois mais que pour l'instant, il ne pouvait en dire plus : un séminaire prévu en septembre doit commencer à définir le projet industriel.
    « Il est ainsi démontré que contrairement aux affirmations des Caisses d'épargne, l'opération de fusion aura des conséquences sur l'emploi alors qu'aucun état de la situation des salariés n'a été, à ce jour, dressé pas plus n'a été établie une situation prévisionnelle de l'emploi suite à la mise en œuvre du projet»,relève le jugement. «Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le comité d'entreprise n'a pas été complètement et loyalement informé et que l'information fournie sur le projet de rapprochement est en l'état insuffisante ».
    D'où la décision d'imposer une nouvelle procédure d'information, de bloquer tout le processus de fusion accompagné d'un montant d'astreinte -100 000 euros par jour- plus que dissuasif.
    Que va-t-il se passer maintenant ? Sauf à décider de passer outre la décision de justice - ce qui serait lourd de conséquences dans un dossier qui affiche déjà un lourd passif de contentieux juridiques-, la fusion entre les Banques populaires et les Caisses d'épargne est perturbée, quoi qu'en dise la direction.  Car la Caisse d'épargne d'Ile de France, première entité du réseau, ne peut pas apporter ses actifs au nouvel ensemble tant qu'elle n'a pas achevé la nouvelle procédure d'information demandée par la cour d'appel. Ce qui rend tout le processus bien bancal.
    A cela s'ajoutent d'autres inconnues. Car les représentants de la Caisse d'épargne de Toulouse, qui eux aussi avaient refusé de rendre un avis estimant l'information insuffisante, qui eux aussi avaient été déboutés en première instance, ont fait appel de la décision. La date du jugement en cour d'appel n'a pas encore été arrêtée. Mais l'arrêt de la cour d'appel de Paris risque de créer un précédent.

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    Celle-ci a estimé que l'information donnée aux représentants du personnel était insuffisante: or, ceux de Toulouse ont reçu la même, comme tous les autres comités d'entreprises des Caisses d'épargne régionales. Ceux-ci pourraient être tentés de regarder s'ils ont un moyen de faire, à leur tour, appel à la justice.

     

    Cette bataille juridique se tient alors que le climat social s'alourdit. François Pérol avait cru trouver un moyen de calmer le jeu en passant alliance avec l'UNSA, syndicat majoritaire de l'Ecureuil. Des négociations secrètes avaient été engagées, selon nos informations, pour permettre de dédommager un certain nombre de salariés. Elles ont capoté. La direction se retrouve donc sans relais syndical pour porter son projet de fusion et apaiser les craintes du réseau de plus en plus inquiet par les conséquences sociales qui pourraient résulter de la fusion avec les Banques populaires. Le jugement de la Cour d'appel de Paris semble aller dans leur sens.

     

    Enfin, les plaintes déposées contre François Pérol «pour prise illégale d'intérêt» cheminent. Face à une contestation grandissante, le nouveau président de la BPCE se retrouve dans une position de plus en plus inconfortable. Le soutien inconditionnel de l'Elysée risque de ne pas suffire à l'installer solidement à la présidence de la deuxième banque française

     

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