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Publié par christian guittard

  • 27 Juillet 2009 source de l'article mediapart.fr par 


    Deux chiffres d'un lundi de crise. Pôle Emploi a fait état d'un repli de 18 600 demandeurs d'emploi en juin. Le CAC 40 a terminé dans le vert, affichant une progression de pas moins de 13% au cours des deux semaines. En apparence, deux très bonnes nouvelles au cœur de l'été. A y regarder de plus près, c'est plus compliqué. Non, le chômage n'a pas baissé. Non, la forme des marchés financiers n'annonce en rien la reprise de l'économie française. Retour sur les deux chiffres trompeurs du jour.

     Le chômage baisse? Méfiance...

     

     

    Christine Lagarde a publié lundi soir un communiqué jovial. Elle se «réjouit de la baisse du nombre de demandeurs d'emploi en juin qui constitue un signal encourageant dans le contexte actuel de crise économique et financière». Un peu plus tôt, Pôle Emploi avait annoncé une baisse de 18 600 chômeurs inscrits. Problème : ces chiffres doivent être très nuancés.

     

     

    D'abord, la baisse annoncée ne concerne que les chômeurs qui n'ont exercé aucune activité le mois précédent (la catégorie A). Si l'on prend les catégories A, B et C (tous les chômeurs qui recherchent un emploi), alors le chômage est... en hausse de 9 200.

     

    Surtout, le détail des chiffres révèle qu'en juin, le nombre de chômeurs sortis des chiffres de Pôle Emploi pour «cessations d'inscription pour défaut d'actualisation» augmente de 19,3% sur un seul mois (+33.000 personnes). «Il s'agit de chômeurs qui n'ont pas actualisé leur dossier», dit Sylvette Uzan-Chomat, du syndicat SNU-Pôle Emploi. «Ils sont de fait radiés des statistiques. En-dehors d'un problème informatique majeur, cette forte hausse peut signifier que les demandeurs d'emploi ont été découragés d'actualiser leur dossier face à l'ampleur du chômage ou qu'ils n'ont pas pu le faire», allusion à l'engorgement des agences. Bercy parle plutôt d'un "effet vacances", explique Les Echos : des chômeurs se désinscriraient pour ne pas avoir de charges administratives à assumer. «La hausse du chômage ne peut que se poursuivre, explique Mathieu Plane, économiste de l'OFCE (Sciences-Po). Les entreprises ont encore peu ajusté sur l'emploi, les exportations restent mauvaises. Il n'y a pas beaucoup de ballons d'oxygène dans l'économie».

  • La Bourse augmente? Oui, mais... 

     

    Du jamais vu depuis dix ans. Depuis lundi 13 juillet, le CAC 40, indice vedette parisien, a enchaîné dix séances, sur onze, de progression. Une hausse de 13% depuis la clôture du 11 juillet (+0,17% lundi 27 juillet), qui tranche avec la dégringolade des mois précédents. La tendance est générale, de Wall Street (le Dow Jones à ses niveaux de novembre 2008) à Tokyo (neuvième séance d'affilée lundi, sa plus longue série de hausses depuis 1988).

     

    Que se passe-t-il? Le scénario de la reprise, aux Etats-Unis en tout cas, paraît de plus en plus crédible aux yeux des investisseurs, qui le font savoir. Deux batteries d'indicateurs récents ont conforté cette hypothèse très optimiste. D'un côté, les résultats trimestriels d'entreprises américaines, dont beaucoup se sont révélés meilleurs qu'attendu (dans des secteurs très différents, Bank of America,Texas Instruments ou encore Caterpillar), éclipsant quelquesavertissements sur résultats.

     

    De l'autre, une poignée d'indicateurs macroéconomiques, qui font dire à certains analystes, pas forcément les plus prudents, qu'un retournement de tendance est en cours. Il paraîtrait par exemple que le marché de l'immobilier reprendrait du poil de la bête ces temps-ci (les ventes de logements anciens aux Etats-Unis ont progressé de 3,6% en juin, renouant avec leur niveau de juin 2008, tandis que, plus spectaculaire, les ventes de maisons neuves ont enregistré en juin leur plus forte augmentation en huit ans).

     

    En Europe, les marchés ont également réagi lundi à l'amélioration, pour le quatrième mois d'affilée, du moral des entrepreneurs allemands en juillet, selon l'enquête de l'institut Ifo publiée vendredi. Avec un espoir implicite : que l'économie allemande retrouve des couleurs et reprenne son rôle de moteur européen. Dernière explication, moins politiquement correcte, à l'offensive des marchés : la désertion des investisseurs... En fait, les échanges de titres seraient très faibles par rapport aux mois précédents, rendant toute tendance de fond très aléatoire.

  • La hausse du Cac 40? Beaucoup de bruit...

     

    «La Bourse représente très peu l'économie et beaucoup les anticipations de profits à court terme», résume Raphaël Didier, professeur d'économie et de finance à l'Iseg Strasbourg. Comment se calcule le CAC 40 au quotidien ? D'abord, un comité scientifique se réunit, chaque trimestre, pour débattre de la liste des sociétés intégrant l'indice mis au point en 1988. Selon trois critères : l'ampleur de la capitalisation des groupes, la plus ou moins grande liquidité de leurs titres (c'est-à-dire la capacité des titres à être revendus sur le marché) et le souci de représenter le plus fidèlement possible les différents secteurs de l'économie (énergie, banques, pharmacie, etc). Ce qui explique par exemple pourquoi Alcatel-Lucent, 50e capitalisation de la Bourse de Paris, soit intégrée au CAC.

     

     

    L'indice procède ensuite à la moyenne des cours des 40 entreprises en question, pondérée par leur capitalisation boursière. Sauf qu'il ne prend en compte que la part de la capitalisation susceptible d'être échangée durant la séance - ce que les professionnels nomment le «flottant». Conclusion : l'évolution d'une poignée de sociétés - les plus grosses capitalisations - suffit à orienter l'indice. En l'occurrence Total (près de 15% du poids de l'indice, soit le poids maximal autorisé), puis Sanofi-Aventis, GDF-Suez et quelques autres poids lourds. Pour schématiser, en osant quelques raccourcis : si le baril de pétrole est à la hausse, il y a de fortes chances pour que l'action Total grimpe, et donc que le CAC 40 soit dans le vert. Quel rapport avec la santé de l'économie française ? Aucun.

     

     

    Le débat n'est pas nouveau. En 1997 déjà, un sénateur, Serge Mathieu, interpellait le ministre de l'Economie d'alors, Dominique Strauss-Kahn, estimant que le CAC 40 ne reflétait plus rien de la santé de l'économie française. «Le CAC 40 représente plus [...] un jugement sur la compétitivité des entreprises que sur l'économie française», résumait le sénateur. Douze ans plus tard, rien n'a changé. Si ce n'est que la crise en cours a encore aggravé le fossé entre indicateurs financiers et thermomètres de l'économie réelle. A Wall Street, le Dow Jones a réalisé ses plus belles années au milieu des années 2000, alors que se formait en toute discrétion la formidable bulle immobilière qui éclata en 2007.

  • Depuis mi-juillet, les marchés récupèrent un peu. La reprise économique serait-elle donc proche? Les plans sociaux vont-ils s'arrêter? Tirer une telle conclusion serait très osée. Les mouvements boursiers ont leur logique propre. Quelques exemples :

     

    Trois entreprises à la loupe

     

     

     

    > L'action ArcelorMittal (cotée à Amsterdam et à Paris) s'est bien reprise (+20% depuis le 13 juillet). Une hausse pas tant liée à ses résultats — le leader mondial de l'acier n'annoncera ses chiffres semestriels que mercredi 29 janvier – qu'aux bonnes performances des grands sidérurgistes et des géants miniers mondiaux (AlcoaBHP BillitonRio Tinto...). Les marchés pour qui la "transparence" est une valeur cardinale ont salué la communication financière d'ArcelorMittal : très endetté, le groupe a scrupuleusement tenu la chronique de ses négociationsavec les banques, qui se sont achevées le 17 juillet. Enfin, les analystes ont voulu voir dans la remise en route du haut-fourneau de Florange (Moselle) le signe annonciateur de la sortie de crise. L'action a grimpé. Mais ce rebond n'est que «technique»martèle le groupe. Les clients ont épuisé leurs stocks, ils passent donc quelques commandes, mais «la demande réelle reste à des niveaux très bas»ArcelorMittal a annoncé en octobre un vaste plan de réduction d'effectifs (9000 cols blancs dans le monde, 1400 en France)

     

     

    > Le 15 juillet, l'action de l'équipementier télécoms Alcatel Lucent a fait un bond de 10%... grâce aux recommandations d'une banque américaine. Dans la foulée des bons résultats de l'Américain Intel, Bank of America (qui a gobé Merrill-Lynch, victime de la crise des subprimes) a «relevé sa recommandation» sur l'action : en clair, elle a incité les investisseurs à acheter du Alcatel. Parce que l'activité réelle se porte mieux? Pas du tout. En fait, l'action était tellement tombée qu'elle ne pouvait que remonter. Selon Bank of America, il était donc opportun d'acheter à ce moment-là, au plus bas. La situation réelle du groupe franco-américain — il présentera ses résultats semestriels jeudi 30 juillet – semble moins reluisante : vendredi 24, Alcatel-Lucent aconfirmé la suppression de 800 emplois en France. La directionassure qu'il s'agit d'améliorer la «compétitivité».

     

     

    > Enfin, ce n'est pas parce que la Bourse relève la tête que les plans sociaux vont s'arrêter. Au contraire! Le cas Saint-Gobain le démontre parfaitement : Le géant français du BTP a lui aussi profité du rebond boursier (22 +% depuis le 13 juillet). Pourtant ses résultats semestriels, publiés le 23 juillet, se sont effondrés. Le chiffre d'affaire a chuté de 15%, le bénéfice a fondu de 88% (128 millions d'euros). Saint-Gobain, qui a supprimé 8000 emplois en 2008 et qui accumule les plans sociaux (en Belgique, dans l'Oise; en Seine-et-Marne) a donc pris une décision : il va continuer à supprimer des emplois. Vendredi 24juillet, la bourse a applaudi : l'action a bondi de 3,39%.

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