Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Catégories

Archives

Publié par christian guittard

16 sep 2008Par  Mathilde Mathieu www.mediapart.fr (source et suite de l'article)
En deux siècles d'existence, le Sénat s'est forgé une réputation exécrable. Ses membres, qui détiennent une part du pouvoir législatif, sont présumés gâteux, absentéistes, prompts à s'aplatir devant l'exécutif, dispendieux. Si l'expression "train de sénateur" fut jadis empreinte d'un minimum de respect, suggérant lenteur et sagesse, on ne parle plus aujourd'hui que du "train de vie" des sénateurs. A la veille du renouvellement partiel de la haute assemblée (un tiers des sièges remis en jeu), voici donc quelques chiffres pour corriger – ou confirmer – des idées reçues.

 

1. Un cimetière des éléphants ?

 La doyenne des 330 élus actuels, Paulette Brisepierre (UMP), a soufflé ses 91 bougies le 21 avril dernier. Au cours de la session 2007-2008, elle n'est intervenue qu'à cinq reprises dans l'hémicycle. Par chance, le service des comptes rendus a gardé la trace de ses contributions: «C'est dommage!» a-t-elle lancé le 14 mai; «Tout à fait!», le 16 avril; «Très bien!», le 2 octobre ; «Oui, mais c'est une vieille histoire!», le lendemain. Bref, en un an, une seule intervention consistante, d'une quarantaine de lignes, durant le débat sur le projet de loi de finances 2008. Sénatrice des Français de l'étranger depuis 1989, Paulette Brisepierre a tout de même renoncé à se représenter le 21 septembre. Elle «a été poussée vers la sortie de manière plutôt directe», rapporte l'assistant d'un sénateur UMP sur son blog. Pour adoucir la pilule, le premier ministre lui a confié [le 8 juillet] une mission d'information sur la représentation des Français établis hors de France». Depuis, «elle [en] profite pour se déplacer à travers le monde», aux frais du contribuable.

 Dès la reprise des travaux, début octobre, neuf autres octogénaires devraient encore siéger (alors qu'aucun député n'a encore atteint cet âge canonique). Parmi eux : Christian Poncelet (UMP), Serge Dassault (UMP), Charles Pasqua (UMP), Pierre Mauroy (PS), Robert Badinter (PS) ou Jack Ralite (PCF). Par ailleurs, plus de 40 de leurs collègues afficheront entre 70 et 80 ans... En se plongeant dans les comptes du régime de Sécurité sociale des sénateurs, on découvre enfin que 6 élus sont morts en 2007 (contre 3 en 2006). Et que 712.000 euros «d'allocutions funéraires» ont dû être intégrés au bilan. Des chiffres symptomatiques.

 Sans céder au jeunisme, on peut tout de même espérer que la réduction récente du mandat de 9 à 6 ans poussera les hommes politiques à débuter ici leur carrière, au lieu de la finir. Pour l'instant, les bancs se renouvellent à un rythme bien faible: d'après les estimations de la caisse de retraite "maison", 75% des sénateurs (quand ils ont moins de 60 ans) rempilent pour un mandat supplémentaire !

2. Un hémicycle toujours vide ?

 Sur le papier, les sénateurs ont siégé 664 heures l'an passé (hors session extraordinaire), dont 159 h en séance de nuit, soit un peu moins que les députés, qui affichent 120 heures de plus au compteur. Mais les bancs sont le plus souvent désertés, les cinq groupes politiques s'organisant simplement pour qu'un des leurs tienne la "permanence". Interrogée sur les temps de présence individuels, l'institution répond qu'elle n'enregistre «aucune statistique de ce genre»...
En principe, un coup d'œil sur les résultats des scrutins publics organisés tous les jours dans l'hémicycle devrait donner une idée de l'affluence; mais les chiffres suggèrent que la majorité comme l'opposition font le plein des voix systématiquement. Etonnant? En réalité, au palais du Luxembourg, un sénateur a le droit de voter pour tous les membres de son groupe – une facilité interdite à l'Assemblée nationale. Du coup, les scrutins se suivent et se ressemblent: grosso modo, 159 voix pour l'UMP, 96 pour le PS. L'élu de permanence fait voter ses camarades comme un seul homme, et les "dissidents" doivent signaler leur intention à l'avance au "patron"...

 Il arrive d'ailleurs que celui-ci n'en tienne pas compte. Ainsi le 16 juillet dernier, lors du vote sur la révision de la Constitution, le président du groupe UMP, Henri de Raincourt, a "oublié" que plusieurs amis lui avaient signifié leur désir de s'abstenir. Pour montrer à l'Elysée qu'il tenait ses troupes, il les a fait voter "Oui". Têtus, deux d'entre eux ont fait corriger les résultats officiels après coup!

 Ce système de délégations de vote, bien rodé, fait toutefois l'unanimité, idéal pour camoufler un absentéisme chronique, qui ne laisse aucune trace dans les archives. Pour leur défense, les sénateurs assurent que l'occupation des bancs n'est pas le bon thermomètre du travail parlementaire et rappellent – à juste titre – qu'ils déposent presque autant d'amendements que les députés.
4. Des parlementaires ultra-privilégiés ?

 Le budget du palais du Luxembourg avoisine 330 millions d'euros par an, d'après le projet de loi de finances 2008. Pour résumer grossièrement: l'existence d'un sénateur coûte 1 million d'euros à la République, contre 925.000 pour un député.

 Plus précisément, un élu touche 5400 € net par mois, auxquels s'ajoutent une «indemnité de résidence» de 160 €, une «indemnité de fonction» de 1.400 € et une «indemnité représentative de frais de mandat» de 6100 € (pour salarier une secrétaire, tenir un bureau en circonscription, etc.). Le règlement intérieur précise que trois absences consécutives en commission (les groupes de travail qui examinent les textes en amont) peut entraîner 700 € "d'amende". Mais cette disposition n'est jamais appliquée. Du coup, en 2007, l'ensemble des traitements versés a représenté 28,5 millions d'euros.

 Les sénateurs, rebaptisés «super-privilégiés de la République» par deux journalistes qui publient ces jours-ci une enquête sur le sujet, jouissent par ailleurs d'avantages divers et variés: ils profitent de voitures gratuites (tant qu'ils restent dans «Paris et les communes limitrophes»); d'un bureau de poste pratiquement en libre-service (4,8 millions d'euros par an de «frais postaux et télécommunications»); d'une carte pour sillonner le réseau SNCF; de 40 billets d'avion pour circuler entre leur circonscription et Paris... L'Etat leur accorde également des prêts au logement à taux imbattables, qu'il s'agisse d'acquérir un pied-à-terre dans la capitale ou un manoir en province : 2 % seulement pour un montant de 75.000 €... remboursables sur 18 ans ! En 2007, plus d'un million d'euros a ainsi été avancé à des sénateurs et fonctionnaires maison.

 

Côté retraite, la pension moyenne s'élève à 3300 € brut par mois (contre 2400 € net pour les députés). En 2007, la Caisse autonome des sénateurs a dû verser 22,6 millions d'euros...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article