Niches fiscales : au bonheur des milliardaires
05 jun 2008Par Laurent
Mauduit www.mediapart.fr (source et suite de l'article)
Le hasard a bien fait les choses. Alors que Nicolas Sarkozy a récemment annoncé son intention d'engager une réforme des niches fiscales, le président (PS) de la commission des finances de
l'Assemblée nationale, Didier Migaud, et le rapporteur général (UMP) du budget de cette même commission, Gilles Carrez, ont présenté, jeudi 5 juin, les conclusions d'une mission d'information conduite sur le même sujet, décidée en novembre
2007. Si la concordance entre les deux événements est fortuite, elle est malgré tout riche d'enseignements. Les constats établis par le rapport sur les graves inégalités fiscales générées par ces
niches fiscales au profit le plus souvent des plus hauts revenus permettent, par contraste, de mesurer l'extrême timidité des pistes explorées par le gouvernement.
Il faut en effet lire dans le détail le document de la commission des finances, ou à tout le moins, la synthèse des propositions du rapport, pour en prendre la mesure : ces niches fiscales, faites d'abattements et d'exonérations diverses, constituent une source absolument formidable d'iniquité fiscale. Le document s'attarde, en premier lieu sur leur évaluation : « On compte aujourd'hui 486 dépenses fiscales, contre 418 en 2003 », explique-t-il. Précision pour les non initiés : pour un expert budgétaire, une « dépense fiscale » est le manque à gagner pour le budget de l'Etat d'une mesure d'exonération. Et le rapport ajoute : « Près de 14 nouvelles mesures ont donc été créées chaque année depuis 2003. Le rythme de création de ces nouvelles dépenses a fortement tendance à s'accélérer, puisque « seulement » une centaine de mesures a été créée entre le début des années 1980 et 2003, soit moins de 5 par an ».
En clair, les niches n'ont cessé d'augmenter ces dernières années, grevant toujours un peu plus le budget de l'Etat. « Leur coût, poursuit le rapport, est passé 50 milliards d'euros en 2003 (soit 3 % du produit intérieur brut et 20 % des recettes fiscales nettes) à 73 milliards d'euros en 2008 (soit près de 27 % des recettes fiscales nettes et 3,8 % du PIB prévisionnels). Entre 2007 et 2008, le coût global des dépenses fiscales devrait augmenter de 7,1 %, soit plus de 4 fois la progression des dépenses budgétaires, alignée sur le niveau de l'inflation de façon à stabiliser la progression des crédits en volume ».
Ce chiffre de 73 milliards d'euros, soit 3,8% du PIB, qui est donc le montant actuel du manque à gagner pour l'Etat de ces exonérations fiscales, donne le tournis. On se souvient en effet que la France est actuellement menacée de sanction par Bruxelles au motif que les déficits publics français pourraient atteindre cette même année 2008 le plafond 3% du PIB que le traité de Maastricht interdit de dépasser. Autrement dit, sans ces niches, la France serait en conformité avec ses engagements européens. Mieux que cela, elle serait même... en excédents !